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En me
demandant de rédiger une courte préface pour leur excellent ouvrage Guide du
savetier au financier - Pour bien gérer aujourd'hui son patrimoine et ses
affaires, Patrick Abbou et Hubert Tubiana ne savaient sans doute pas qu'ils
s'adressaient à un fils et petit-fils d'enseignants qui l'avaient pétri à la
pâte La Fontaine dès sa tendre enfance, à l'époque où les fables étaient le
viatique irremplaçable de tout écolier. C'est donc
avec délectation que je me suis replongé dans la production de ce jeune homme
de trois cents ans, toujours vert, toujours actuel, toujours caustique,
souvent humoristique, car La Fontaine savait mieux que personne qu'il est
poli d'être gai. Il refusait aussi de prendre l'obscurantisme pour de la
profondeur et savait que les froids traités sont comme les nuits : plus ils
sont profonds, moins on y voit clair. Entomologiste
aigu, il fixa ses contemporains dans l'objectif de son microscope en ne me
laissant échapper aucun travers de ces insectes sociaux, imprévisibles et
complexes. Nos deux
auteurs, qui connaissent les comptes, ont découvert chez La Fontaine un goût
caché mais profond pour la saine gestion d'un patrimoine, tropisme dû sans
doute à cette constante dépendance financière qui lui créa quelques
complexes. Avant Rousseau, il sut élégamment acquérir la protection, dite de
subsistance, de quelques dames patronnesses bienveillantes, les duchesses de
Bouillon et d'Orléans, puis madame de la Sablière. Il écrivit, pour la
première, ses contes lestes soigneusement occultés par nos instituteurs de
campagne et, en fait, il ne publia ses premières fables qu'à quarante-sept
ans. Curieusement,
l'une d'entre elles, Le laboureur et ses enfants, est d'une brûlante
actualité, à l'heure où la transmission des biens par héritage pose des
problèmes politiques dans divers pays. La France est celui qui freine le plus
cette pérennité de biens productifs de richesses et d'emplois, comme si elle
avait oublié cette fable anticipatrice, au nom d'un néo-égalitarisme erroné
puisque les petites gens elles-mêmes sont indéfectiblement attachées à cette
notion d'héritage, accrochée à celle de la famille. Le chef d'entreprise
patrimoniale, comme le laboureur, pourrait dire à ses enfants : vendez donc
la poule aux oeufs d'or, et vous serez enfin riches. Il préfère transmettre
un outil, en exigeant de "creuser, bêcher, fouiller" car "le
travail est un trésor". Voilà un
maître des eaux et forêts qui a su puiser sa philosophie dans la nature, mais
qui, plus tard, occupa à l'académie française, le siège de Colbert, maître
dans l'art de gérer les comptes nationaux, héritage culturel et osmotique. Si La Fontaine fut à la fois rêveur, misanthrope et philosophe, il sut conter avec une fraîcheur exquise et une sagesse incontestée des histoires d'animaux mais aussi d'hommes confrontés aux problèmes de la gestion de patrimoine, qu'ils soient laboureurs, savetiers ou financiers, histoires qui méritaient bien ce livre audacieux et attrayant. |
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Yvon GATTAZ
Membre de l'Institut
Président de l'ASMEP
Président d'honneur du MEDEF
Président - Fondateur de Jeunesse et Entreprises
Editions HMT 1, bd de Magenta 75010 Paris Tel: 01 42 39 17 90 Fax: 01 42 40 00 11 @ ; H.m.t@wanadoo.fr |
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